vendredi 25 décembre 2009

Antidote 17

zoom !

- Mais dis-moi mon émoi, mon roi : souvent tu emploies le mot "providence" - qu'entends-tu par là ? Donne-moi un exemple simple sweetheart.

- ...Rien que le fait de t'avoir rencontrée, ça parle de soi, poupée.

- Tu me fais rougir fada... je veux dire un exemple de tous les jours...

- Ce sera vite fait. Chaque Antidote pour te donner un exemple très concret se termine par une citation de Paradis de Sollers. Pour choisir le passage je ne choisis pas : j'ouvre au petit bonheur le bouquin et prend le passage qui me tombe devant les yeux sans plus réfléchir. C'est après que je suis content de constater l'équivalence des textes, l'un validant l'autre, l'autre confirmant l'un. Bref, nous baignons dans la providence en continu, seulement hélas trop souvent j'ai les yeux trop aveugles, les oreilles trop sourdes, le cerveau trop embrumé to feel and to swim in the beat of Eden.

- Euh... as-tu peut-être un autre exemple, darling ?

- Plenty. Par exemple tu montes dans ta voiture et tu te diriges vers le centre ville où tu sais qu'il n'y a jamais de place pour se garer. Toi, tu arrives où tu veux te rendre et là, juste devant toi une place se libère magistralement. Super ! Quel pot !

- Pardon ? Quel "pot" ?

En montant dans ta voiture tu programmais la situation d'avance avec la certitude d'y réussir de par la force du ciel et de la terre, car tu sais toi qu'elle fait l'essentiel de la planète jusque dans les moindres trivialités. Les forces supérieures, appelle-les comme tu veux, Anges, Trônes, Dominations, Roues du ciel, les puissances principielles adorent les âmes confiantes et intrépides... pour ces âmes-là seulement elles se mettent en quatre, comme pour toi, et tu comptes bien là-dessus ! Satisfied, wonderwoman ?

- Delighted my mad angel !

mouvement des lèvres pour dire merci
merci chuchoté
devant la prière
qui monte pour lui
en secret
au nom de la puissance du nom
et du pardon rémission
au nom du souffle de résurrection

jeudi 10 décembre 2009


Jiri Skorpil, membre de la Révolution édénique, dans ses oeuvres à Rotterdam, Hollande, nov. 2009

lundi 7 décembre 2009

Antidote 16

les mâts le jour
- Quelle serait ta première décision si par aventure tu te retrouvais à la tête de la France, amour ?

- J'inviterais aussitôt les bergers du pays dans ma demeure d'alors pour leur présenter mon idée d'un pont vertical sur la passe du Vieux-Port.
Comme pour un conclave je fermerais moi-même les portes.
A ces hommes et ces femmes je démontrerais le bien-fondé de mon intuition, j'en dévoilerais la base métaphysique et je leur indiquerais, calmement, joyeusement, les multiples percées culturelles, sociales et économiques que ce pont permet en toute raison d'espérer.
A court, moyen et long terme.
Je prendrais le temps qu'il faudrait et je saurais transmettre - je le sais d'avance petite chattemite - je saurais transmettre la vérité de ma parole dans l'esprit des bergers de France. Nous pleurerons, nous rirons, nos mots danseront et trembleront. La fête commencera avec nous. J'espère bien que tu te joindras à nous !

- Mais pourquoi des bergers, mon loup tout fou ?

- Eux seuls savent encore faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Ils sont les derniers à avoir la tête encore dans les nuages et à garder les pieds sur terre. De mauvais bergers, ça n'existe pas, un mauvais berger ne saurait se maintenir ; le loup, par définition à l'affût, le loup aurait vite fait bien fait de dévorer le troupeau et le berger avec.
Les bergers donc relient le ciel à la terre et la terre au ciel, au quotidien, à travers le pays, sans phraséologie,.
Les mâts, eux aussi, feraient relais, antenne entre le haut et le bas.
C'est pourquoi l'accord des bergers et bergères de France et de Navarre ne pourra que multiplier les bienfaits que ce pont tient tout prêt à l'emploi en son inépuisable réservoir. C'est ça que je souhaite.
Leur assentiment, mieux leur bénédiction fera la différence entre un énième truc-machin-chouette-imposé ...et une chose vraiment nouvelle.
C'est seulement lorsque tous les participants seront convaincus que j'ouvrirai les portes.

- Et ensuite mon ange ?
- Une fois la dynamique lancée je donnerai ma démission - car je ne veux et ne peux vivre qu'auprès de toi follette, et toi, tu es indifférente au monde et tout son bataclan - en quoi tu as mille fois raison. Nous retournerons sur notre rocher, nous laisserons les jours filer, nous serons à nouveau seuls au monde avec nos enfants. Les dauphins nous inviteront bien pour un petit tour et sur les ailes des mouettes nous voguerons mus par notre seul désir. Qu'en penses-tu adorée ?

- Que le ciel t'endende mon prince !

nous en sommes à l'aube du troisième jour
avec une bizarre clarté
n'est-ce pas une flagrante lucidité
n'est-ce pas sur l'impasse en rond prolongée
et si l'humanité est une fiction
alors sa solution doit se trouver
dans la plus singulières des fictions
c'est du moins ce que dit ici
le plus hardi explorateur connu
de cette région dramatique
de ce point tragique
et comique
de cette galaxie fanatique
c'est ce qu'il affirme ici
rien qu'ici
en déposant ses conclusions
sur le pont nouveau
surgi des entrailles
échappé des mailles
venant faire ici
rien qu'ici
sa communication sensation
en effet mesdames messieurs
il ne sert à rien d'éviter
cette question capitale
les mâts la nuit


jeudi 26 novembre 2009

Antidote 16

zoom
Emouvant, le regard que Joseph jette sur sa jeune épouse, sur cette jeune fille de Nazareth tellement étrange, si sûre d'elle - il la contemple, éperdu, étonné... Ces yeux bleus, ce blond doré des cheveux, l'ivoire de son cou, ces lèvres boutons de rose, sa peau de pêche, noblesse des mains, le naturel des gestes et la secrète élégance de son allure, tout en elle l'émeut, l'étonne, le renverse.

C'est seulement maintenant qu'il commence à entrevoir la grandeur du miracle Marie...

L'Ange du Seigneur lui a ordonné de s'enfuir en Egypte... la police est à leur recherche... à leurs trousses... on entend déjà les vociférations des chefs et le cliquetis des lances et sabres...des cadavres de nouveaux-nés jonchent leur passage... ordre d'Hérode.

Cependant ces trois-là ne craignent rien, ils savent qu'ils vont sous l'œil du Très-Haut, Sa providence les guide.

L'âne - son nom est Titus - a lui aussi envie d'aventure : regardez-le dresser les oreilles, bander les muscles. Pour ne pas secouer la maman et son bébé il prend soin de poser ses sabots le plus légèrement possible. Le petit tient une pomme ou une orange dans sa main droite, sûrement offert par un des rois mages ou par un berger lors des adieux dans la crèche à Bethléem. Avec sa coiffure le bambin ressemble comme un frère au Bouddha, air éveillé, intelligent, une ombre de ruse supérieur dans ses traits.

A l'arrière-plan une grande ville, surplombée par des forteresses et des citadelles, reçoit les feux du soleil levant, l'aube chasse la nuit.
Un paysan protège son champ de blé contre la soldatesque déchaînée.

Joseph porte sa houlette sur l'épaule, avec le bout arrondi il lancerait d'infaillibles pierres meurtrières sur toute bête sauvage, loup, lion, hyène, ours qui voudrait se dresser sur son chemin, adresse diabolique héritée de son aïeul l'ex-berger David roi d'Israël.
Bien que son crâne est déplumé et blancs ses sourcils ses joues et surtout ses lèvres témoignent d'une belle ardeur et fraîcheur de vivre. Ce sont des lèvres pour être embrassées.

Son contact en Egypte est sûr. Joseph de Nazareth sent la bénédiction du ciel accéler ses pas et Titus se prend à juste titre pour Pégase. Les rochers se ferment après leur passage, le précipice arrête l'avancée des forces de l'ordre qui doivent battre en retraite.

paysan protégeant sa récolte ; cadavres de nouveaux-nés zoom
La Fuite en Egypte
in "Grandes Heures d'Anne de Bretagne"

mardi 24 novembre 2009

Antidote 15

torii mégalithique - dans le sud de la France - deux mille ans av. J.-C. époque d'Abraham
- Tu sais mon coeur, de nos jours, avec leurs ordinateurs et tout le bataclan, les gens rendent les choses beaucoup trop compliquées alors qu'elles sont en vérité d"une simplicité évangélique.

- Que veux-tu dire par là mon prince ?

- Qu'en réalité il s'agit toujours avant tout du principe : en partant de ce point-là l'on ne peut se tromper de chemin. Il n'existe qu'une seule idée... tout le reste en est extension, expansion, suite et permanence, folies silencieuses. La création entière en dépend - Dieu Lui-Même n'est pas fait autrement !

- C'est ce que veut montrer ta peinture ?

- La colonne de droite représente la bonté.
La colonne de gauche représente la justice.
L'un ne peut être sans l'autre.
Amour sans poser de limites amène chaos.
Justice sans miséricorde conduit à la tyrannie.

- Et la pierre qui les relie ?

- Le linteuil qui les relie c'est le principe d'où ils naissent.
Tout tourne autour de cette pierre d'alliance ; cette union crée un accès, offre un passage dans les impénétrables ténèbres qui nous entourent, donne une flamme que rien ne peut éteindre. L'ouverture ainsi marquée indique le chemin vers les ailes de feu de la liberté, vers les champs du monde qui vient.

- La voie vers les possibilités infinies...

- La voie du coeur et celle de la tête, jamais l'un sans l'autre.
Pourquoi rendre les choses de la vie si incommensurablement compliquées quand ce n'est pas si difficile à comprendre ?
Si tu tiens le principe ta place sera au soleil. Un point c'est tout.

- Et c'est bien ainsi, mon chéri !

vous savez d'où ils rentrent
ces deux-là
avec leurs chapeaux
homme et femme
de quelle promenade
de quelle randonnée
passionnée
vous savez où il va se rendre ce jeune homme
ce qui est sacré
est désormais muet
ce monde-ci ne connaît plus que transformation intérieure
il m'est possible d'en parler
mais c'est parler d'un silence définitif
et c'est bien ainsi

vendredi 20 novembre 2009

Antidote 14


- Quoi mon chéri, encore la France ?
- Parce qu'il existe d'autres pays selon toi ?
- L'Angleterre...
- L'Angleterre ? Pfft, elle n'a d'autre ambition que de répandre le libéralisme mercantile avec un système politique pragmatique adapté. Cela ne suffit pas pour nourrir à la longue l'esprit. L'homme ne vit pas seulement de pain.
- Admettons... L'Allemagne ? Deutschland Über Alles ?
- Ach ! Ils ont Bach, ils ont Händel ! Oui, eux ils jouent dans la cour des grands.
- L'Amérique ?
- Tu n'es pas sérieuse mon amour, ce sont des enfants à qui on donne les jouets de satan.
- La Russie ?
- Oui, elle fait partie des grands, les Russes ont préservé en dépit de tout, leur âme universelle.
- La Péninsule ibérique, les pays du Bénélux, la Scandinavie ?
- Ont déjà couru leur chance, l'ont eue.
- L'Asie, la Chine, l'Inde ?
- Peuples profondément métaphysiques, n'aspirant à aucune action en dehors de leur aire naturelle, ce sont les fils de la paix entre le ciel et la terre, les êtres voués au nirvana - bien que la situation présente en montre le contraire de façon caricaturale...
- L'Afrique ?
- Ah ! L'homme noir ! Bien le plus beau type humain ! L'homme blanc ne sait ni danser, ni sauter ni voler.
- L'Arabie Heureuse ?
- Oui, mais avec Ibn Arabi en maître de cérémonie dans le Verger d'Adam et d'Eve.
- La France, alors ?
- La Marseillaise, n'a-t-elle pas fait le tour du monde chantée par les Beatles ? On est tout de suite dans l'universel... La Marseillaise est la France, sa vibration "nationale", le cri dans lequel les autres nations entendent leur propre frisson suprême confirmé, réclamé et acclamé. C'est quoi cette "vibration" ? D'où ça sort ? Et bien c'est parce que ce pays se trouve précisément fondé ici dans les eaux du Vieux-Port, cette même France aux montagnes forêts plaines fleuves châteaux héros saints évolutions palais gratte-ciel sous-marins nucléaires, tout ce bataclan a démarré ici et nulle part ailleurs. Une rencontre providentielle, vécue telle quelle par les protagonistes sur l'immaculé des roches blanches midi mistral tapage cigales odeur résine surchauffée chants des grives fauvettes vol des puffins.
Pour juger les enjeux d'une vaste question autant s'éléver vers les données principielles, pour espérer avoir un début de lumière : à question bien posée la réponse est à moitié donnée.
Là où se trouvent des gisements de providentiel il faut savoir les reconnaître et les exploiter - si l'on ne veut pas mourir idiot et désemparé. Tout le bassin du Vieux-Port est un réservoir d'inépuisable providence. Ce point géographique n'est pas seulement la génèse de la France mais davantage encore le lieu d'éclosion de notre civilisation de l'ouest, notre culture celte, latine, chevaleresque, humaniste et moderne ; ça fait du Vieux-Port un lieu tout de bon unique - losqu'on cause politique ne jamais perdre de vue cette donnée, encore moins sous-estimer son importance.
L'on vous rit au nez ? Riez encore plus fort de l'ignorance de votre interlocuteur et laissez votre esprit parler. Les mots du vrai viennent sans effort et balaient en douceur toute résistance. Et puis c'est très bon de se sentir pousser des ailes quand la légèreté de la vérité vous pousse en avant. Les mystères du Vieux-Port avec ses fabuleux trésors vous inspirent, voilà que votre bouche parle d'elle-même et que vous avez plaisir à raconter ce qu'intuitivement vous soupçonnez être vrai, juste et beau ; d'ailleurs vous rajoutez le meilleur de votre propre âme, car c'est une belle et terrible histoire, l'Europe, qui demande une conclusion digne de l'éternité.

repos
récapitulation
contemplation
satisfaction et bénédiction
passage de la série à un nouvel infini
et enfonçons-le dans les phrases toujours plus profondément
ce n'est pas quelqu'un qui parle
se parle
vous parle
mais la voix elle-même qui parle
supposons en effet que l'infini ne prenne l'être qu'en passant
parlant et de temps à temps
que dirait-il à ce moment-là
exactement ce qu'il dit
toujours la même chose

lundi 16 novembre 2009

Antidote 13

C'est à la Baule que j'entendis parler, pour la première fois, des "Croisés de Meiningen". Je m'apprêtais à photographier une cousine lorsqu'un homme, qui semblait rêvasser devant sa tente, m'adressa la parole.

-Voilà comment on tue sa meilleure amie, dit-il.

Je considérais le personnage. Soixante ans environ, le visage osseux, les yeux clairs sous un grand panama, il ressemblait un peu à Seznec. Un Seznec doux et souriant. Je m'approchai de lui :

- Pourquoi dites-vous cela ?

Il hocha la tête.

- Ne savez-vous pas que nous devons effacer nos propres traces ?

Ce genre de propos me séduit toujours. Je m'assis dans le sable à côté de lui et nous bavardâmes. Je sus rapidement qu'il appartenait à une secte dont le principal but était de lutter contre la réprésentation humaine.

- Le culte des images est en train de perdre le monde, me dit-il. Si les gens avaient conscience du danger qu'ils courent lorsqu'on les photographie, ils auraient aussi peur d'un Kodak que d'un revolver. Quand le regard de l'homme s'arrête aux apparences, la civilisation est en péril...

- Sans doute avez-vous raison, dis-je ; mais votre comparaison entre un appareil photographique et une arme à feu me paraît un peu excessive.

Il me sourit et je lus de la bonté dans ses yeux.

-Cette comparaison est fort juste au contraire, Monsieur, me dit-il doucement. La photographie est certainement l'invention la plus diabolique des temps modernes. L'expression populaire "prendre en photo" est beaucoup plus juste que vous ne l'imaginez. Car on vous "prend" réellement une partie de vous-même... Vous n'ignorez pas que notre corps est entouré d'une "aura" dont l'étendue et la densité, pour employer un terme emprunté au vocabulaire matérialiste, ont une importance capitale. Or, chaque photographie entame l'aura. Une partie de cette enveloppe protectrice dont le rôle est essentiel pour notre équilibre psychique nous est retirée et demeure attachée à chacun des portraits que l'on fait de nous.
On a pu dire que la langue française était une langue cabalistique parce que certains mots avaient des prolongements vertigineux ou contenaient un second sens ésotérique. C'est vrai, et je vais vous en donner un exemple. Lorsque vous dites calmement : "Cette photographie me représente", pensez-vous au sens exact du mot ? Non ! Vous oubliez que "représenter" signifie "rendre présent" ; or, si cette photographie vous "rend présent" c'est qu'elle contient véritablement une parcelle de votre présence...

Il y a donc un peu de vous, un peu de votre être éparpillé stupidement et dangereusement dans des albums, dans des cadres, des portefeuilles, des sacs de dame, dans des journaux peut-être ou des films de cinéma... Et c'est tant pis pour votre santé, pour votre intellect et pour votre âme !...

Depuis un moment, une question me démangeait :

- Avez-vous une photo sur votre carte d'identité ?

Le vieillard baissa le tête :

- Hélas ! Vous abordez là un problème douloureux... Oui, bien sûr, j'en ai une, puisque c'est obligatoire, mais je me suis en état de défense pour réduire le danger...

Comme je lui demandais en quoi consistait ce moyen de défense, il ouvrit son portefeuille, en tira son permis de conduire et me désigna la photo qui s'y trouvait collée.

- Regardez !

J'eus du mal à le reconnaître. Sur ce portrait d'identité, il avait un air méchant, une bouche crispée, un regard dur qui contrastaient étrangement avec sa bienveillance naturelle. Devant mon étonnement, il voulut bien m'expliquer :

- Il existe un autre danger. Et c'est contre celui-là que j'ai voulu me prémunir. Lorsque vous posez, vous n'éprouvez généralement aucune méfiance spéciale à l'égard de l'opérateur qui vous dit : souriez !". Au contraire. Car il s'agit le plus souvent d'un ami. Vous vous détendez donc, vous vous "ouvrez" et vous laissez échapper une énergie que vous retiendriez normalement devant des gens antipathiques. Ce faisant, vous devenez vulnérable et c'est dans cet état que l'on vous "prend". Or, cette photographie qui vous contient réellement, dans quelles mains ira-t-elle ? Nul ne le sait ! Et demain, ou dans cinquante ans, vos ennemis les plus féroces possèderont peut-être, avec un bout de carton sur lequel vous souriez, une partie de votre âme rendue disponible...

Mon Leica commençait à me brûler les doigts. Je le déposai dans un sac de plage. Le vieillard surprit mon geste et sourit :

- Il y a pire encore. Vous avez, bien sûr, entendu parler des envoûtements... Ils se sont faits pendant des siècles au moyen d'une figurine de cire qui contenait soit des ongles, soit des cheveux de la personne à qui on voulait du mal. Aujourd'hui, tous les gens qui s'occupent de magie vous diront qu'une simple photographie suffit. C'est donc la preuve qu'elle contient bien une partie de la personne qui a posé...

Les hommes sont des apprentis sorciers qui sont en train de s'entre-tuer, sans le savoir, à coups de Leica, de Kodak et de Rolleiflex... C'est pour empêcher ce véritable suicide de l'humanité que notre groupe a été créé en 1920, à Meiningen, par un mage allemand, Helmutt Fischer. Depuis longtemps, cet homme était en relation avec des Esprits supérieurs qui lui demandaient de dénoncer les dangers de la photographie : "Pars en croisade !" lui soufflaient-ils. "Va détruire cette invention du diable. Va protéger les hommes contre eux-mêmes. Va sauver les âmes qui s'émiettent... La photographie risque de déséquilibrer tes frères et de les rendre fous. Fonde un groupe de purs et sauve le monde !"

Il soupira :

- Helmutt Fischer commença par détruire toutes les photos qu'il possédait de lui-même. Immédiatement, il se sentit à la fois plus léger, plus fort, plus heureux de vivre et plus intelligent. Il fonda alors le groupe des "Croisés de Meiningen" avec sa femme et quelques amis qu'il avait convertis. Au début du nazisme, il dut s'installer en France. Il y est mort en 1939, à la veille de la guerre, mais la croisade continue...

- Votre activité consiste donc à dénoncer la nocivité de la photographie et à empêcher les gens de se laisser "prendre" !

- Non ! Nous faisons plus... Nous "reconstituons" les hommes qui se sont laissé entamer...

- Par quel moyen ?

Le vieillard posa sa main sur mon avant-bras :

- Si notre oeuvre vous intéresse, Monsieur, venez, à la rentrée, assister à une de nos réunions. Peut-être recevrez-vous la lumière qui fait voir l'envers des choses...

Je me promis d'aller voir cela...



En octobre, je pris rendez-vous avec mon iconoclaste qui me conduisit, un soir, dans un hôtel particulier situé non loin du Trocadéro. Nous pénétrâmes dans un salon. Une trentaine de personnes s'y trouvaient déjà, assises en tailleur sur le tapis. Devant la cheminée où brûlait un grand feu de bois, je remarquai une énorme pile de magazines et une corbeille contenant des photographies de tous formats.

- Tout cela sera brûlé tout à l'heure, me dit mon compagnon.

Nous nous assîmes à notre tour.

Un homme de cinquante ans environ, assez corpulent et coiffé d'un bonnet astrakan, entra dans la pièce et s'accouda à la cheminée. C'était l'actuel maître des "Croisés de Meiningen", le successeur d'Helmutt Fischer...

D'un ton doucereux, il nous brossa un tableau assez noir de la situation.

- Mes amis, le danger devient chaque jour plus menaçant. Jamais, malgré notre campagne, on n'a pris autant de photographies. Or, jamais, ce que l'on appelle l'élite n'a été aussi désaxée, jamais nos hommes politiques n'ont été aussi délirants, jamais nos comédiens ne se sont montrés aussi déséquilibrés... Victimes de leur popularité, ces gens sont "mitraillés" - jamais le mot ne fut plus juste - par les reporters de la presse, et nous les voyons sombrer dans des dépressions nerveuses, dans tous les excès de la "dolce vita" et dans un gâtisme précoce qui nous vaut des discours et des actes insensés.

La voix du maître trembla :

- Le moment est grave ! Songez que la plupart de ces malheureux ont des responsabilités écrasantes et occupent des postes clés. Certains nous gouvernent, d'autres ont une extrême influence sur la jeunesse... Il y va donc de l'avenir de notre pays, de notre race et de l'humanité entière... Aussi, je vous en supplie ! Apportez-moi le plus possible de photographies d'hommes célèbres, d'artistes, de grands écrivains, de chefs d'Etat, afin que nous les détruisions !... Grâce à nous, ces inconscients retrouveront un peu de leur être, un peu de leur raison, un peu de leur intelligence perdue...

- Le maître sourit :

- A côté de ces hommes particulièrement atteints, il en est d'autres, plus obscurs peut-être, mais plus chers à notre coeur : des parents, des amis que nous voulons aider à recouvrer leur intégrité. Apportez-nous aussi leurs photographies, nous les brûlerons ensemble avec la joie d'accomplir une action vraiment charitable !

Ayant ainsi parlé, il s'assit et une jeune femme passa dans les rangs avec un grand plateau d'argent. Tous les Croisés y déposèrent religieusement des paquets de photos. J'y glissai une des miennes, à tout hasard.

Quand cette étrange quête fut terminée, la jeune iconoclaste alla vider le contenu de son plateau dans la corbeille déjà à demi pleine qui se trouvait près de la cheminée. Puis, devant l'assistance recueillie, elle se mit à déchirer les magazines et à les jeter dans le feu.

- Ce soir, grâce à nous, des hommes retrouveront ce qui commençait sérieusement à leur manquer, dit le maître en souriant.

Vint le tour des photos. La jeune femme vida le contenu de la corbeille dans l'âtre. Tout brûla lentement, au milieu de flammes vertes.

Et, ce soir-là, M. Michel Debré, Zappy Max, Brigitte Bardot, Jean-Paul Sartre, Zavatta, le président Khrouchtchev, Johnny Hallyday, la môme Moineau, le Père Duval, la princesse Margaret et votre serviteur (entre autres), récupérèrent un peu d'eux-mêmes...

Guy Breton
Les Nuits Secrètes de Paris
Editions de Saint-Clair
Neuilly-sur-Seine, 1963

samedi 14 novembre 2009

Antidote 12

- Qu'aimez-vous le mieux faire ?

- Comme un lézard être assis sur le rocher au soleil sur le bord de mer et observer le jeu des vagues puis plonger dedans hiver été.

- Que détestez-vous faire ?

- Aller chez le dentiste, faire les commissions au supermarché, mettre des chaussettes quand arrive l'automne, être touché par les gars du contrôle à l'aéroport avant de monter dans un avion, me faire couper les cheveux, voir ma femme inondée par la sale lumière des néons, perdre mon temps dans les bureaux de poste, attraper un rhume.

- Où auriez-vous aimé être né ?

- Dans un nid d'oiseau.

- Comment aimeriez-vous mourir ?

- Avec un sourire.

- Le pays où vous auriez pu vivre ?

- Sur une île dans l'océan pacifique quelque part au dixième siècle av. JC.

- Votre pire injure ?

- Imprononçable sans causer aussitôt de graves dégâts.

- De quoi rêvez-vous le plus souvent ?

- Je rêve que je dois passer un examen, que, volontairement, par bravade, je n'ai pas préparé tandis que l'échéance approche...

- Votre commandement préféré ?

- Des dix commandements je choisirais "honore ton père et ta mère" ; y pas mieux pour la santé de l'esprit.

- Qu'emporteriez-vous sur une île déserte ?

- Une canne à pêche pour attraper mon repas, une boîte d'allumettes.

- Votre voiture favorite ?

- Pfft... tant qu'à faire la Citroën DS 23 injection électronique modèle cabriolet - mais au 10è siecle av. JC... pfft...

- Votre souvenir le plus affligeant ?

- Une crise de diahrrée dans les couloirs du métro parisien.

- L'expérience que vous ne voudriez pas faire ?

- Perdre ma tête.

- Votre matière préférée ?

- Le bois, le cachemire, la peau, les boucles de cheveux, la chair des lèvres, les pétales de rose, le papier, la peinture à l'huile, les rayons de soleil, l'eau de mer.

- Votre joie la plus grande ?

- Pouvoir écouter du Bach plusieurs siècles après sa mort quand je veux !

- Ce que vous agresse le plus ?

- Les décibels débiles de la modernité, la puanteur de la circulation, les sirènes hurlantes dans la rue, les pétarades des pétrolettes, des avions de chasse rasant les toits.

- Qu'aimeriez-vous à tout prix éviter ?

- Devenir chauve, impotent et sénile, cafard, poux, mite.

- Où se trouve la frontière entre privé et public ?

- Entre la sphère privée inviolable et les travaux publics il y a un cloison étanche.

- Il vous manque quel talent ?

- J'aimerais bien avoir un peu plus d'humour.

- De quoi doutez-vous le plus ?

- De moi-même, de ma place dans ce monde, agis-je correctement ou suis-je victime de ma propre cécité, auto-illusions et névroses personnelles ?

- De quoi êtes-vous certain ?

- Que le bon Dieu est affreusement seul. Jamais une main ne se tend vers lui hein, pour le bonheur de Dieu, jamais l'idée que le bon Dieu puisse appeler au secours, que nous pourrions veiller sur lui une nuit. Les gens se disent, bof, le bon Dieu veillera - mais jamais personne qui veillera sur Lui... Bien entendu, Dieu veille sur tout, mais Dieu plus l'homme : alors là ça commence à devenir intéressant !

je suis là moi aussi
j'entre dans mon encre
cette fois comme pour la première fois
comme si je n'y étais jamais entré avant ça
pieds chevilles mollets jambes torses
bassin d'épaules tête en force
et les bras les mains la respiration
coup de rein
quelle affaire
l'immersion d'envers
l'injection réflexe
quelle éclaboussure des matières


zoom

vendredi 13 novembre 2009

Antidote 11

le pont transbordeur vu par Raoul Dufy
les Mâts de Marseille
- Comment ce pont vertical sur le Vieux-Port amènera-t-il un changement dans l'esprit des gens et leur manière d'agir ?

- Parce que je le veux et parce que je le peux.

- Mais encore ? Quel lien y a-t-il entre ce pont et un hypothétique changement dans le monde ?

- Ce pont est une traduction de l'agir du ciel : une fois en place il transmettra les influences d'en haut vers la terre, vers la pesanteur du plancher des vaches. C'est là sa fonction principielle : permettre la circulation entre ciel et terre, entre supérieur et inférieur et vice-versa. Comme le pont a été fondé sur du solide métaphysique, le reste viendra de surcroît dans les moindres détails et le plus naturellement du monde.

- Mais vous ne pouvez tout de même pas employer cet argument face à vos interlocuteurs officiels...

- Evidemment c'est là un langage à éviter soigneusement, rassurez-vous. Avant de me lancer avec ce projet auprès des élus j'en ai minitieusement évalué les implications et les perspectives sociales, économiques et culturelles à court, moyen et long terme, après avoir défini sur le terrain les possibles locaux et placé mes conclusions dans un contexte régional, national et international, chiffres, faits et statistiques à l'appui, vous pensez bien !
Des urbanistes, des architectes et ingénieurs ont confirmé la faisabilité des éléments techniques.
Le coût du pont, somme tout très dérisoire au regard des avantages à venir, a été calculé à l'euro près.
Ah, si l'idée semble folle au départ, sa base est cependant aussi dur que du diamant.

- Quelles sont donc ces perspectives ?

- Le pont attirerait un regard universellement sympathique. Les gens pourraient y reconnaître le signe d'un vrai changement, enfin un discours différent et crédible, quelque chose de beau, quelque chose de nouveau !
Il servirait de phare et susciterait d'autres initiatives.
Les mâts deviendraient un objet de fierté, un vent rayonnant de "révolution" pourrait démarrer en ce point précis de la mappemonde, en douceur.
Le pont se verrait de loin, de mer, de terre et des airs - il pourrait bien essaimer vers d'autres grands ports méditerranéens, Alexandrie, Alger, Barcelone, Beyrouth, Gênes et finir par former autour de la Méditerranée un collier de perles de lumières, qui remplirait bien les rues de soleil et de rires...
Bref, changement profond dans la tête et le coeur des gens, comportements corrigés, aération, respiration, soulagement, nouvel horizon, pacification, regain du sens collectif etc. etc.

- Vous êtes dans l'utopie là ?

- Certainement pas, c'est à portée de main, deux, trois mesures, décisions, actes d'audace et l'affaire serait réglée. Puisque le pont prend ses racines au ciel il en relayerait nécessairement les grâces et les influences, afin que sa lumière facilite les décisions tractations discussions opérations nécessaires. Mais le point de départ précis, c'est ici sur le Vieux-Port et nulle part ailleurs.

- Il manque une volonté politique ?

- Avant tout la volonté de tous ceux qui auront à coeur de voir cet ouvrage réalisé. Ai-je bien répondu à votre question ?

- Je commence à comprendre où vous voulez en venir...

pour le détail du projet http://www.lesantennesphoceennes.blogspot.com/

les Mâts de Marseille la nuit
un petit jaillissement de sa lumière immortelle
en passant
et pour un moment seulement
et par une petite ouverture
dans l'enfoncement
d'un rocher
et parmi les obscurités
il en va de même
avec la rosée
pellicule de manne
arrosée
qu'est-ce que c'est comment c'est tombé
pluie d'anti-matière
en pastilles
tourbillon d'hosties
dans la nuit

samedi 7 novembre 2009

Antidote 10

Je sentis la terre encore nourrir mes semelles
et les astres voltiger dans ma tête
et la bise qui chante avec la pluie qui ruisselle
chacune dans une langue pour moi parfaite

et l'âne à l'oreille coupée qui me dit :
"quand tout se termine quand viendra la fin
les animaux parleront et diront
c'était affreux comme c'était bien"

un olivier me chuchote son souvenir
des dents de scie, le détail des tailles de hache
mais étrange : l'arbre ne pleura que de plaisir
tout était remis - au big bang rock'n roll flash

Antidote 9

Supposons que notre occident retrouve le sens du chant d'Isaï
du roi David
et de Samson
de Déborah mère en Israël
de Rachel, Esther, Marie et Sarah
de Madeleine et Marthe
de la femme de Noé
supposons que notre occident se concentre à nouveau sur le ton qui fait leur musique
- comme Abraham recevant au plus chaud de la journée près des térébinthes des inconnus -
supposons que nous revoyions de plus belle
Tobias guérir son vieux père de la cécité avec du fiel de poisson
Rebecca puiser de l'eau pour un complet étranger
Gidéon contempler les miracles de la rosée
Elie disparaître sur un char de feu dans les nuées
Moïse et Josué fendre les eaux
Lazare se relever de sa tombe
nous serions alors sortis de l'auberge
nous pourrions envisager tranquillement
l'avenir
constellé
de jubilantes gemmes


vous n'avez que ça à dire
oui chaque matin chaque soir
chaque dimanche et fête
et bonsoir gloria in excelsis deo
hiver comme été
pluie vent grèle neige
ou soleil chaleur sueur fleur bouquet
nous te louons
nous te bénissons
nous t'adorons
nous te glorifions
nous te rendons grâce
pour ta gloire immense
et l'immensité de notre péché
pardonné
et ainsi de suite
à nouveau dans la suite
poésie serrée
hors des suites
puisque la muse assemble l'or

lundi 2 novembre 2009

Antidote 8

-De quoi rempliriez-vous l'éternité ?

- L'éternité est déjà pleine à craquer mon bon, rien ne s'y ajoute rien ne s'y perd. Supposons - pure hypothèse car je ne le mérite pas le moins du monde - supposons que j'y sois admis : il me suffirait alors de me jeter dans les flots qui y coulent et tout ira très bien madame la marquise. Je n'aurais plus rien à désirer car avant même de le penser le voeu serait excaucé.
Sinon, puisque vous me posez la question, j'aimerais bien gazouiller comme un pinson dans les buissons où être un bouchon trop longtemps coincé dans le goulot d'une bouteille et jaillir sur des flots pétillants de champagne, ou encore rester immobile telle une pierre posée là écoutant les cris de guerre que se livrent les bandes de moineaux dans l'arbrisseau qui me surplombe ; ou bien encore enroulerais-je le ciel et la terre, les mettrais-je sur mes épaules et me dirigerais vers le nombril du bon Dieu.
Je pourrais tout aussi bien être la main d'un moine enlumineur, les flammes d'un diable-dragon cracheur, la pointe de la flèche au moment où elle touche le point de mire, le parfum du saint des saints ...tout ça quoi en bien plus encore !

mes talons vont partout
pour moi plus d'obstacles
le ciel est mon père
la terre est ma mère
sans quitter ma maison
je connais le monde entier
à la source je m'agenouille
et plonge au fond
suis les dauphins
fais des cabrioles encore plus folles qu'eux
je fais ce que je veux
et ce que je fais je le veux
zigzague anticipe
virevolte rase
pique culbute
que demander de plus ?

comment faire pour ne plus être séparé de ce moi là-bas
ça lui vient d'où ça
lui revient d'où cette espèce de don
par-dessous cette ivresse outrée

qu'est-ce que c'est ce style érectile
volatile fébrile viril
c'est le coeur des coeurs
foyer
comme c'est fou pas vrai
de se retrouver flottant
hors des lettres
alors se dessilleront les yeux des aveugles
alors les oreilles des sourds s'ouvriront
alors le boiteux bondira comme un cerf
la langue du muet criera sa joie
parce qu'auront jailli les eaux de désert
et les torrents dans la steppe


mardi 27 octobre 2009

Antidote 7

zoom


Exactement comme les étoiles laissent filtrer la lumière qui est au-dessus d'elles, nous sommes constitués de points de passage par où passent les flux de cette réalité plus haute et intense qui nous a fait naître.

Les mots eux aussi sont des points d'ouverture vers ce domaine principiel. Cest pourquoi l'on n'est jamais assez circonspect dans leur choix puisqu'ils possèdent une force autonome et véhiculent des puissances - que cela soit pour le meilleur ou le pire.

Eden est sûr quand la bouche est pure.

Le langage est d'origine non-humaine. "Dieu" se cache, s'agite, danse, surfe au fond des mots : les trafiquer, les manipuler, c'est le fameux péché contre l'esprit. A la mort tous les mots prononcés au cours d'une vie défilent devant soi.

L'on n'est jamais assez hardi avec les mots, à bon escient bien entendu.
Celui-là deviendra rédempteur du hasard, roi en Eden, danseur d'étoiles tendre jusqu'à la moelle.
sans cesse à l'écoute
de monter voler soleil
coeur
point coeur
point de coeur
passant par le coeur
avec le temps
donc vous verrez ça
avec le temps
donc grâce au coeur du temps
eh oui
il faut simplement
finir par préférer le temps
à soi-même
par désirer le temps
pour lui-même
par le vouloir d'un coup
dans une grande respiration
hors du tout
par s'abandonner
par se répéter
par se vomir même
comme un obstacle
à la leçon du temps
qui sait tout
qui finit par révéler
tout dans les moindres recoins du problème



zoom

dimanche 25 octobre 2009

Antidote 6

Le principal trait de mon caractère : l'impatience

La qualité que je préfère chez un homme : humour, finesse, légèreté

La qualité que je préfère chez une femme : l'odeur

Ce que j'apprécie le plus chez des amis : leurs femmes

Mon principal défaut : croire que je n'en ai aucun

Mon occupation favorite : suivre du regard les oiseaux, humer les plantes et les fleurs, observez les nuées

Mon rêve de bonheur : disparaître vivant de l'autre côté des nuages comme le prophète Elie

Quel serait mon plus grand malheur : de perdre l'esprit

Ce que je voudrais être : groom au paradis

Le pays où je désirerais vivre : aux Iles Alléluia

La couleur que je préfère : or

La fleur que j'aime : la fleur de son coeur

L'oiseau que je préfère : celui qui est sans cage

Mes auteurs favoris en prose : Blaise Cendrars

Mes poètes préférés : Baudelaire, Isaï, Lao-Tseu

Mes héros dans la fiction : Julien Sorel, Lucien de Rubempré, Cheri-Bibi, Goupil, Guignol et Gnafon

Mes héroïnes favorites dans la fiction : Barbarella, Wonderwoman

Mes compositeurs préférés : les baroques, Satie, Strawinsky. Parfois Ravel et Richard Strauss (pas celui des valses) ; Lennon & McCartney - toujours Pink Floyd

Mes peintres favoris : Picasso, Picasso, Picasso

Mes héros dans la vie réelle : Bélibaste (dernier cathare brûlé sur le bûcher)

Mes noms favoris : Sophie, Claire

Ce que je déteste par-dessus tout : les lourdeurs pédantes, l'esprit de systématique cartésien, l'aveuglement pour la vérité des symboles

Personnages historiques que je méprise le plus : je ne méprise personne - cependant Philippe le Bel, l'évêque Cochon, Hitler et ses sbires, les Khmers rouges, Les Mau-Mau, les généraux massacreurs des peuples amérindiens, Brutus etc. ne font pas partie du cercle de mes intimes

Le fait militaire que j'admire le plus : David contre Goliath

Le don de la nature que je voudrais avoir : siffler comme les oiseaux

Comment j'aimerais mourir : avec toutes mes dents

Etat présent de mon esprit : cool

Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence : des fautes de frappe

Ma devise : bien faire, laissez braire

Saskia à la fenêtre croquée par son Rembrandt fou

Antidote 5

zoom

C'est ainsi que nous voulons vivre


dans un temps dans une seconde


qui sans jamais cesser de s'écouler


se creuse toujours plus profonde





comme si l'éternité


se déployait sans fin


au coeur d'un moment


défilé d'un ailleurs innocent





le temps fixé qui s'amplifie à chaque instant


davantage de perspectives plus fortes encore


un voyage où tout bouge et rien ne change


magie paradoxale pour supervivants





atomes rénovés


particules réalisées


résonances immortelles


frénésie de voluptés


simplement éternelles





dieu nous a oints de son onction


il nous a scellé de son coeur


ce qui veut dire


en dehors de toutes les fois


une intervention


valant pour toutes les fois


il était une fois


et une fois


était la fois


d'une fois


qui sera une fois


dans la mesure d'une fois


qui dégage de là toute en une fois


une seule fois


maillon des fois


sautant une fois


parce qu'il n'a été qu'une fois


et il ne sera qu'une fois


il est non pas dans les fois


succédant aux fois


mais chaque fois intégralement


une fois plein coeur


fourré de la loi d'ailleurs


plein milieu


moyeu


point de feu


vendredi 23 octobre 2009

Antidote 4

zoom sur l'image


- Vendredi 23 octobre. Help ! Vous comptez encore longtemps maintenir ce rythme ?

- Tant que l'encrier ne s'est pas vidé, tant que plume ne s'est pas usée, tant que le papier ni le lecteur crient au secours, tant que le pc marche il n'y a pas de raison pour s'arrêter...

- Franchement, qu'est-ce que vous espérez obtenir ? Que croyez-vous que votre fantasmagorie vous apportera ?

- A moi rien mais je crois en l'effet multiplicateur. Deux trois quatre cinq étincelles suffisent pour allumer le feu, ou mieux, pour se faire lever dans les profondeurs, ce raz de marée de douceur, cette brise d'or du monde qui vient. Moi "j'agis" les symboles et y met mon corps et âme. Les résultats de cet "agir" ou "mise en oeuvre", conformément à la nature du symbole, tôt ou tard, se répercuteront harmonieusement et hierarchiquement dans tous les ordres d'existence. C'est la loi et elle est sans appel. Le Coran déclare : "Dieu veut que l'homme veuille". Il faut bien un point de départ précis sur le plancher des vaches. La poésie est la guerre.

- Mais pourquoi vous ?

- Nous, vous voulez dire ! Nous formons une génération charnière, le peuple des derniers hommes. Soit nous ouvrons tout de bon ce nouvel aeon soit nous sombrons corps et biens dans un ordre mondial sans perspectives, sans joie, livrés à la proximité de corps trafiqués, gâtés, clônés... et nous y sommes déjà.

Ecoutez !

le vin est en deuil

la vigne languit

tous les coeurs joyeux dépriment

la joie des tambours a cessé

le bruit des plaisirs est fini

le son des guitares a cessé

on ne boit plus de vin en chantant

les boissons fortes sont amères aux buveurs

la cité du néant est en ruines

l'entrée de chaque maison est fermée

on se lamente dans les rues

plus de vin

toute joie a disparu

du pays est bannie la joie

Cette déprime de l'homme postmoderne, post-vivant, que fatalement je porte en moi aussi me pousse malgré moi à agir ; c'est énorme, c'est exagéré, c'est idiot, c'est Don Quichotte, c'est trop comique - mais je sais que mon action ne peut pas ne pas porter ses fruits, je frappe moi aussi au carrefour des courants, ainsi est fait mon esprit.

Pour le reste, docile, bien élévé, dans les rails, je fais mon devoir, tout mon devoir, rien que mon devoir (et ce n'est là que la moitié de mon devoir), il y a le soleil, la pluie, le mistral, les mouettes, moineaux, tourterelles, crabes et lézards, l'odeur de résine des pinèdes surchauffées sur le rocher où je médite ; hirondelles au printemps - étourneaux en automne. D'ici l'Italie qui rit me sourit, de plus loin la Hollande bande les Flandres - cependant pour moi le centre du monde est ici, car là où je suis est le paradis comme le dit très bien Sollers.

Néanmoins aucune lueur au-dessus de l'horizon, mornes plaines d'endurance, de discipline et de concentration devant moi.

Bah, j'incline la tête - je dresse la tête et hume d'avance ce parfum bruissant d'or du monde qui vient, les vapeurs toxiques ne m'atteignent pas. Les journées vont et viennent.

les élus de l'unité

c'est la folie trois fois sublime

comment nous parvenons par similitude rayonnée

voici donc notre nouvelle cathédrale

une aération cervicale

un homme pressé

a relevé le défi

s'est mis à dérouler de nouveau

l'esprit de rythme en folie

tenant bon

obligé chaque jour de faire les petits gestes du jour

subir les respirations du jour

dans les jours sans espoir que les choses changent

s'arrangent

la porte s'ouvre à nouveau

et tourne et fait jouer les gonds

samedi 17 octobre 2009

Antidote 3

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Je ne suis pas un cadavre en puissance

sans fin me tient bonne faim d'être

de vivre nom de Dieu je fais ma chance

mort je te jette par la fenêtre



en rien tu ne m'entraves

pas même tu n'attaques ma chair

jamais je ne serai un de tes esclaves

de toi suis-je libre comme l'air



me fais céans futures présences

ensemenceur de célestes corps

pour que quand sonne l'échéance

j'intègre ma vie bâtie hors mort



ton espace je le dépasse

te ruiner est mon art

mon éclat te surclasse

éternel, tel je me prépare



et même si d'aventure, en agonie

tu me serres de trop près en tes mâchoires

de tes crocs tranquillement je me ris

construite d'avance je tiens ma victoire



je ne suis pas un cadavre en puissance

sans fin me tient bonne faim d'être

de vivre je fais ma chance

mort je te jette par la fenêtre



l'invisible enlevé vivant feu du vent

j'ai le droit dit dieu

de passer dans mon sang

à travers le sang

au point millimètre exact

car je sais moi

que mon défenseur est vivant

et que lui le dernier se lèvera

dans la poussière après mon éveil

il me dressera près de lui

et dans ma chair

je verrai dieu

celui que je verrai

sera pour moi

celui que mes yeux regarderont

ne sera pas un étranger

voix lumière écho des lumières

voix rouleau voix coeur des lumières

au milieu de la poussière

jeudi 15 octobre 2009

Antidote 2

- Psitt ! dites-moi, entre nous, vous n'y pensez pas sérieusement non à cet Eden ? Vous allez passer pour un illuminé !
- Oui mais voilà, si moi je n'y croyais pas, qui y croirait ? D'ailleurs je crains que votre idée d'Eden soit plutôt caricaturale, Eden n'est pas une contrée ici ou là-bas, Eden est un état d'être personnel, que l'on a intérêt à atteindre au plus vite. C'est une qualité d'âme que de savoir écouter le principe qui vous donne existence, il faut un minimum de courage, de libre liberté. Enlevez du mot illuminé sa charge péjoratif et vous y êtes. Saine folie réjouit. Mieux vaut une étincelle que toutes les ténèbres réunies.
- Mais le paradis n'est-il pas valable pour tout le monde ?
- Il vaut déjà pour ceux qui découvrent la puissance de son principe et s'y fient davantage qu'aux réflexes obscures. Eden est extrêmement contagieux ! Il provoque une réaction en chaîne, irrésistible celle-là, entraînant la moindre parcelle du créé en une farandole.
Qui pourrait encore arrêter cet élan ? Les plus gros moyens ne suffiront plus bientôt pour vivre, il faudrait faire preuve de supplément d'âme, une dynamique doucement explosive vers le haut selon les imperturbables lois du principe, bonté, justice, intelligence, douceur, providence, souplesse, vitesse, finesse, beauté, malice.
Une génération suffira, - que dis-je, une année, un mois, un jour, une fraction de seconde, le temps qu'il faut pour tourner le bouton de lumière. O oui, c'est certain, il faudra quitter ce vilain carcan cartésien, élargir notre horizon, notre idée de Dieu, l'idée de nous-mêmes.
- Vous êtes vraiment fou !
- Tant mieux ! Ce que vous appelez nonsens est pour moi de la plus haute importance ; l'univers, cet Eden offert sur un plateau, ne dépend sûrement pas exclusivement des lois mathématiques - la création est par principe plutôt verbe ardent, lumineuse folie, poésie qui nous coule, esprit, jusque dans les viscères.
La bonne formule est donc : verbe = symbole = esprit = connaissance = puissance à l'infini.
Or l'esprit (non pas la raison) vient directement de ce même principe qui chante en danse en chaque petit d'homme, que la personne le veuille ou pas, l'accepte ou pas.
Etre, être vraiment, jusqu'au bout et même au-delà, y compris les cicatrices, n'a rien à voir avec la logique cartésienne : le principe réellement actif, vivant et marrant trône au coeur, non pas au cerveau. C'est pourquoi un Eden universalisé de coeur à coeur, jusque dans les faits, n'est pas un vain rêve, c'est même plus que jamais à notre portée.
Qui est fou ici ? Votre perspective de nouvel ordre mondial ? Une fourmillière de domestiqués terrorisés, criminalisés, espionnés, figés, abusés, manipulés, ionisés, fluorisés, uranisés ?
Vous ne me faites pas rire.
Nous, nous inventerons la forme du paradis, joyeusement, crânement, tranquillement. Les répercussions seront illimitées car le principe lui-même est d'une souplesse infinie.
Sur ce, bien le bonsoir !
zoom sur l'image

mardi 13 octobre 2009

Antidote 1

Johanna Nooij-Jongerius
1919-1999



Marcellinus Sebastianus Maria Nooij
1952-1991


Auto-interview

- Qui je suis ?
- Français né néerlandais vivant à Marseille, époux, père de deux filles, grand-père.
- Que faites-vous ?
- Je fais des poèmes, je peins, des portraits surtout, comme par exemple ceux de ma mère et mon frère, je plonge dans la mer près du soleil ou saute dans le soleil près de la mer, nage avec les petits poissons, discute avec les oiseaux, écoute les arbres, range les commissions, cependant ne participe pas aux scrutins démocratiques, élections publiques, rescencements impudiques, pétitions politiques, ne vais pas au stade, ne possède ni carte de crédit, téléphone portable, ipod ni piercings, tatouages, scarifications ; suis assez épris de moi-même, très impatient, exigeant beaucoup. Faut pas me chercher noise.
Je ne regarde pas la télévision, sauf des films parfois. Musique tout le temps, je zappe entre Bach, Händel, Vivaldi, Jean-Philippe Rameau, Jean-Baptiste Lully et François Couperin, Marc-Antoine Carpentier, Jean-Marie Leclair l'Aîné, les maîtres de la Renaissance, les cantors du moyen âge, les sons de la Chine antique au Pavillon des Déesses en Fleurs, les ryhmes et les mélopées des hauts plateaux de l'Ethiopie.
Ni trop gros ni trop maigre, ni trop grand ni trop petit, une tâche ici, une verrue là et des cheveux qui grisonnent.
Par fidélité à mon nom j'ai voulu tout au long de ma vie construire une arche, une cathédrale, car je suis né après la Deuxième Guerre mondiale avec ses odeurs de mort et d'horreur sur mes talons encore - j'ai hérité de cette témérité poétique du père de ma mère dont je porte le nom.
Je suis issu d'une bonne famille ; ma mère et mon frère Marcel (terrasseur rieur de dragons lui aussi) sont déjà partis au paradis où ils préparent je l'espère une petite place pour moi aussi.

D'autres questions ?
- Pas pour le moment. Je vous remercie pour ces informations.
- You are welcome, so far.

se mettre au coeur du baptème
comme un livre ouvert enfin
et que tout soit rassemblé en un seul jaillissement
et qu'ainsi la lourde et souffrante
horrible et terrible histoire humaine
soit immergée
dans une légèreté souterraine